Réflexions autour d'une visite rectorale...
Militant ou courtisan….
la nouvelle politique éducative ?
Réflexions autour d'une visite rectorale
A quelques jours des vacances d'été, le directeur d'une école classée ZEP – Ambition réussite apprend que le recteur, viendra voir fonctionner les stages de remise à niveau du mois de juillet dans son école.
En lui annonçant cette bonne nouvelle, son IEN lui précise bien que, dans la mesure où la visite a lieu pendant les congés, rien ne l'oblige à être présent.
Cas de conscience pour notre directeur, – appelons-le Gaston - pris entre la possibilité de rencontrer le recteur et le risque que sa présence puisse être considérée comme une caution de ce qui lui apparait clairement comme une « opération de marketing » pour faire la promotion de ces stages, et ce d'autant plus, que la consigne de l'IEN était d'accepter tous les élèves, même ceux qui ne sont pas en difficulté.
Lorsque notre ami Gaston fait part de ses hésitations à son IEN, ce dernier lui précise bien qu'il s'agit d'une visite officielle et que s'il envisage sa présence dans une optique de militantisme, il vaut peut-être mieux qu'il s'abstienne !
Après moultes réflexions et hésitations, notre directeur décide finalement de participer à cette visite, non pas en tant que militant mais pour apporter le témoignage d'un simple directeur d'école confronté aux difficultés quotidiennes de sa mission.
La visite est rapide et sympathique.
Un tour dans les classes pour voir travailler les trois groupes de quatre élèves puis une petite réunion en salle des maîtres afin de permettre à l'IEN de présenter l'organisation générale du dispositif dans la circonscription et aux deux parents qui ont répondu à l'invitation de dire tout le bien qu'ils pensent de ces stages ("ils sont mieux à l'école que dans la rue ou devant la télé !".
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes !
Malgré ses efforts pour rester "politiquement correct", - il y a un tel abîme entre le discours ambiant, et la pression vécue tout au long de l'année scolaire (surtout celle-là) – notre ami Gaston ne peut s'empêcher de rappeler à l'éminente assemblée qu'il n'y a rien d'extraordinaire à ce que les élèves présents profitent de ces stages, étant donné le taux d'encadrement (un enseignant confirmé pour quatre élèves). Par contre, à la rentrée, son école se retrouvera avec des CP de 25 élèves dont un nombre important d'élèves en difficulté, alors que le CP d'adaptation a été supprimé l'année précédente. Dans ces conditions, ajoute-t-il, il est probable qu'il faudra bientôt organiser de nombreux stages de remises à niveau.
Un silence gêné suit sa déclaration !
Le recteur est soudain très occupé à mettre de l'ordre dans ses papiers et c'est l'Inspecteur d'Académie qui répond à l'impertinent personnage : sa remarque est hors de propos et n'a pas lieu d'être car nous sommes, ici, dans situation particulière, à savoir la prise en charge individuelle des élèves en difficulté et que cela n'a rien à voir avec le fonctionnement ordinaire – et collectif – de l'école.
La visite se termine sur ce petit échange.
"Monsieur Gaston, ne vous attendez pas à des faveurs de l'Inspecteur d'Académie." glisse l'IEN en partant, à notre directeur éberlué.
Des faveurs ? Tiens donc !
Les nouveaux programmes préconisent que les élèves «…. découvrent les principes de la morale, qui peuvent être présentés sous forme de maximes illustrées et expliquées par le maître au cours de la journée …»
En guise d'entrainement pédagogique, essayons donc de tirer une morale de cette histoire. Une morale autour du militantisme, des faveurs et de la prise en charge individualisée …
Il est évident que notre ami Gaston est un bien piètre directeur !
Aveuglé par des années de fréquentation de mouvements pédagogiques comme les CEMEA(1), l'ICEM(2), ou encore l'OCCE(3), il a la naïveté d'imaginer qu'un bon enseignant est toujours un peu un militant de la cause des enfants et que nos supérieurs se préoccupent des difficultés que nous rencontrons sur le terrain.
Mais où est-il allé chercher cela ?
Un bon directeur ne milite pas, il gère ! Un bon directeur ne contredit jamais sa hiérarchie, ni son IEN, ni son IA, et encore moins son recteur, qui plus est lors d'une visite officielle, en présence de journalistes ! S'il a envie de se plaindre, il y a les syndicats, la cour de récréation (mais à petites doses : faut pas trop démoraliser les collègues !), les psys ou le RESA(4) …
Un bon directeur acquiesce : « Oui Monsieur l'Inspecteur ! », renchérit : « Vous avez tout à fait raison, Monsieur l'Inspecteur d'Académie ! », remercie « Merci beaucoup, Madame le recteur ! » …
Et après cela, il n'a plus qu'à attendre les faveurs ...
Mais quelles faveurs peut-il bien attendre ?
Une augmentation ? Des effectifs moins chargés dans son école ? Les palmes académiques ? La considération de ses supérieurs ?
Au fait, celui qui attend les faveurs, cela ne s'appelle-t-il pas un courtisan ?
La voilà notre morale :
· Pour être un bon directeur, ne soyez pas militant, c'est dépassé, c'est ringard,
· Soyez courtisan, ça c'est moderne !!
Et dans un registre plus pédagogique, pardon, didactique – le pédago... aussi est dépassé et ringard paraît-il !
· Si vous voulez faire du travail individualisé avec vos élèves, faites des stages de remise à niveau pendant les vacances (en plus ça paye bien !)
Et comme toute histoire qui se respecte, celle-ci se termine par la formule consacrée : « Toute ressemblance avec des personnes existant réellement ne saurait relever que du plus pur hasard ! »
Le biographe de Gaston
(1) CEMEA : Centres d'Entrainement aux méthodes d'Education Active
(2) ICEM : Institut Coopératif de l'Ecole moderne : pédagogie Freinet
(3) N'importe quel enseignant connaît l'OCCE !
(4) RESA : RESeau d'Aide aux personnels : Service de l'Inspection académique dont l'objectif est d'aider les enseignants (primaires et maternelles) en difficulté ; N'hésitez pas à appeler le 06.72.87.88.65