Evaluations CM2 : La plus grande tricherie de l'histoire de l'Education Nationale !, par Sylvain Grandserre

 

Paru dans le Café Pédagogique, 18 février 2011

 

Avait-on jamais vu ça ? Il faut se rendre à l'évidence : c'est certainement à la plus grande tricherie de toute l'histoire de l'Education nationale que nous venons d'assister en ce mois de janvier lors des évaluations nationales de CM2.

 

Comme chacun le sait, ces tests ont rencontré dès leur mise en place en 2009, une importante contestation sur les points suivants : date et conditions de passation, contenu des exercices, mode d'évaluation, communication à l'extérieur de l'école et risques de mise en concurrence. Souvenons-nous des premières déclarations de X. Darcos qui, avant de se rétracter, annonçait en janvier 2008 : "Les résultats obtenus par chaque école seront mis en ligne sur Internet pour permettre aux parents d'en avoir connaissance."

 

Prétendument mises en place pour les élèves, ces évaluations avaient un but moins avouable mais bien plus logique au regard de la politique scolaire actuelle : attribuer un taux de réussite à chaque école pour l'avènement d'un grand marché scolaire vers lequel nous avançons (suppression de carte scolaire, primes en tous genres, destructions massives d'emplois, discours sur le mérite et politique du chiffre). D'ailleurs, seule cette analyse peut expliquer l'état de véritable hystérie constaté dans certaines inspections pour la simple absence de quelques livrets...

 

Tout le monde ayant compris cela, chacun s'y est mis ! Des parents qui surfent sur le net pour découvrir en avant-première le contenu des livrets afin de faire réussir au mieux leurs progénitures. Des enfants qui se retrouvent contraints au bachotage de dernière minute chez eux ou en classe. Des enseignants qui, par crainte d'être mal jugés, contournent les contraintes : révisions ciblées en classe et à la maison, première chance au brouillon avant remise au propre, temps imparti totalement dépassé, aides interdites pourtant apportées, lecture à voix haute du texte de compréhension de lecture, solutions écrites au tableau sous forme de QCM, correction gomme à la main pour changer la réponse, du genre « je lui compte bon, d'habitude il sait le faire ! ». Sans parler de la prime de 400 € qui permet d'acheter par petits bouts ce qui n'est pas à vendre...

 

Il faut dire que même les services du ministère avaient procédé l'an dernier à une « correction statistique » pour assurer une comparabilité des deux évaluations. Mais que fait justement le ministère devant tant de bidouillages, tripatouillages, tricheries et autres arrangements ? Rien ! Ou pire, il recèle ces faux en écriture en les faisant passer pour vrais ! Or, a-t-on entendu parler d'une seule enquête pour connaître la réalité de passation de ces évaluations ? Dès l'an dernier, il y avait matière à s'étonner de certains résultats. En mathématiques, dans l'académie de Lille, alors qu'il n'y avait que 24 % des élèves qui avaient des "acquis très solides" en 2009, ils étaient 36 % en 2010 (la moyenne nationale n'avait pas changé) ! Même phénomène dans l'académie de Versailles où la proportion de ces élèves était soudain passée de 35 % à 45 % !

 

Les seuls à avoir été inquiétés ne sont pas les tricheurs, les truqueurs, ceux qui se sont arrangés comme ils ont pu entre les injonctions hiérarchiques et leurs convictions personnelles. Non, les seuls à avoir eu du souci sont ceux qui en tout honnêteté et transparence ont refusé, parfois avec le soutien de parents courageux, de participer à cette immense mascarade. Espérons que dans un moment de sagesse, le ministère préfèrera au ridicule de poursuites administratives la voie du dialogue en prenant enfin en compte les besoins tant de fois exprimés par tous ceux qui ont le souci d'une réelle réussite éducative, sans mensonges ni tricheries !

 

Sylvain Grandserre



18/02/2011
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