Pourquoi veulent-ils détruire l'école publique ? par L. Pastre

P O U R Q U O I       V E U L E N T  -  I L S        D É T R U I R E       
L' É C O L E      P U B L I Q U E   ?


par L. Pastre, enseignant en Rased, Hérault

            Quelques éléments pour comprendre la logique politique qui pousse la hiérarchie des décideurs à supprimer les structures suivantes :

 

La Maternelle avant l' âge de 4 ans : Nadine Morano travaille toujours sur les  »jardins d' éveil » pour deux départements « pilotes », Sarkozy propose deux cent mille nouvelles places en crèches...

 

Les Réseaux d' Aides Spécialisées aux Élèves en Difficultés : alors que la Finlande, dont chacun vante à tout propos les résultats élogieux lors des évaluations internationales, s'appuie sur des dispositifs analogues non seulement en élémentaire, mais aussi en collège...

 

Les remplacements assurés par des enseignants titulaires : auxquels se substitueraient des personnels vacataires et corvéables, démunis de formation, regroupés dans une « agence du remplacement ».

 

Les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres : les futurs enseignants seront donc embauchés après des études plus longues ( Bac + 5 ), sans l' année de formation rémunérée, et propulsés devant les classes sans stage de mise en situation accompagnée face à des élèves !

 

            Tout cela en prétendant diviser par trois l' échec scolaire d' ici quatre ans ! Comme pour la règle de trois, nos ténors péremptoires démontrent une méconnaissance coupable des fondements des calculs les plus simples...

 

            La liste des traquenards mijotés serait encore longue à énumérer :

Le futur statut des Etablissements Publics d' Enseignement Primaire, où les élus locaux et le « Super-Directeur » auront un rôle prépondérant.

Les évaluations CM2, concoctées sur la totalité du programme de l' année à valider dès le mois de janvier, avec publications des résultats et mises en concurrences des écoles.

La réforme des lycées, qui sera bien appliquée dès la rentrée prochaine, à raison d' un établissement « pilote » par département...

 

            Éclairages sur les tenants et les aboutissants de la pyramide des pouvoirs en place...

 

            SARKOZY, Nicolas : Président de la République, a priori premier garant des valeurs laïques inscrites dans notre Constitution, qui proclama grâce à la plume d' Henri Guaino, nouvel apôtre habilité à dispenser des jugements de valeur :

 

             « Dans la transmission des valeurs et dans l' apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l' instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé... »

 

            Comme je l' ai déjà dit par ailleurs, quel discrédit jeté à la face de tous les acteurs de l' école publique et quel désaveu pour tous les enseignants qui ne fonderaient pas leurs espoirs en la foi religieuse pour l' avenir de l' être humain...

 

            En décembre 2008, un an après cette funeste déclaration, notre chef de l' État se targuait d' avoir réformé l' École primaire, comme si la cause était déjà entendue. Il félicitait aussi son ministre affidé d' avoir supprimé les IUFM, sans daigner en justifier les raisons... Il s' est également vanté d' avoir rendu les grèves invisibles dans ce pays, grâce au Service Minimum d' Accueil par exemple, que beaucoup de communes refusent pourtant de mettre en place. Il promet toujours du tout-répressif à chaque fait divers, encense l' initiative individuelle et l'entreprise privée à tous propos, dénigre la morale républicaine au profit de la doctrine chrétienne, claironne depuis l' Élysée ses visions salvatrices... et ne rêve que de sournoises privatisations à la chaîne, au détriment de la solidarité à l' égard des plus pauvres.

 

Il persiste dans ses cadeaux aux plus nantis, en refusant de réduire le montant du bouclier fiscal... ou en accordant par exemple la gratuité de la scolarité aux expatriés dont les enfants sont inscrits dans de coûteux établissements à l' étranger. Les multinationales qui assumaient le plus souvent ces frais jusqu' alors peuvent le remercier,  mais pas les contribuables qui s'en chargeront désormais... Malgré des caisses de l' Etat soi-disant vides, il y a toujours de l'argent disponible quand il s' agit de faire plaisir aux amis, d' en donner à la caste des plus riches, dans un véritable affrontement de classes.        

 

            Cessons-là l' inventaire sous peine d' écoeurement, et incitons-le à moins de triomphalisme autosatisfait... pour qu' il s' aperçoive enfin, comme le 29 janvier et le 19 mars derniers, que les grèves massives existent encore quand il s' agit de défendre les droits des salariés, la protection sociale et les services publics, archaïsmes qu' il entend jeter aux oubliettes. Même si les centrales syndicales majoritaires semblent vouloir canaliser et même freiner l' ampleur du mouvement protestataire, en proposant des mobilisations unitaires une journée tous les deux mois... ce qui ne convainc pas les foules ulcérées de villes mortes et quadrillées par des escadrons de CRS, lors des déplacements en province de notre altesse...

 

            DARCOS, Xavier : Ministre d' une Éducation qui ne se voulait plus Nationale dès l' avènement de Nicolas 1er, et surtout de nos jours ministre dévolu à l' enseignement privé.  Sinistre courtisan plus prompt à exhiber le disque de Carla Bruni qu' à écouter sans mépris les acteurs de base de son ministère. Flagorneur empressé à l' image d' un Brice Boutefeu ou, entre autres, d' un Frédéric Lefebvre... un neveu de Monseigneur ?

 

            Darcos, exécutant à la solde des catholiques intégristes, d' ailleurs réhabilités par le Pape, et des conservateurs les plus forcenés, réunis avec lui dans des officines ultra-libérales qui avancent masquées depuis plus de vingt ans et qui se nomment « Créateurs d'écoles », « SOS Éducation »...

 

            Ces chapelles, où gravitent aussi des sympathisants du Front National et de l'Opus Dei, se promettent aujourd' hui d' asphyxier et de démanteler l' école républicaine, cette « hydre soviétiforme » à leurs yeux. Elles ont toujours su trouver des relais complaisants chez les politiciens de droite, et même parfois de gauche, n' hésitant plus désormais à saigner l' École publique, balayée du revers d' une main à la Rolex rutilante.

 

            Ainsi le rouleau-compresseur est engagé à marche forcée... à coups de financements massifs des établissements privés, de sélections d' élèves « éducables » aux   parcours payants, choisis grâce à la suppression de la carte scolaire, de recrutements d'enseignants sur profils et de rémunérations au mérite avec primes à la docilité, de statuts de fonctionnaires cassés et de personnels asservis, de programmes aseptisés où les sciences humaines n' inciteraient plus les jeunes citoyens à réfléchir...

            « Darcos, réac et fier de l' être », pouvait titrer le 21/2/2008 une journaliste, pourtant dans un article du Figaro.

 

            Potentats locaux : des Recteurs, des Inspecteurs d' Académie... qui se révèlent  parfois prompts à dispenser  humiliations publiques et sanctions hâtives. Capables aussi, comme dans des départements importants dévolus à des serviteurs dévoués, d'amplifier avec zèle les coupes sombres prévues par le Ministère pour dépecer, entre autres, les RASED.

 

            Des chefaillons omnipotents qui, par exemple dans une circulaire destinée à      « éviter tout emballement médiatique excessif », dénient toute liberté d' expression aux enseignants victimes de violences. Les Inspecteurs de circonscriptions seront désormais seuls  habilités  à répondre aux journalistes au sein des écoles...

 

            Sous leur gouverne, les injonctions ministérielles autoritaires et répressives n'ont guère de chance d' être atténuées... Bien au contraire, ils les outrepassent pour montrer leur désir de plaire aux puissants et leur capacité à mater la piétaille enseignante, aux vélléités de contestation caricaturées. Ils s' acharnent sur des enseignants consciencieux, qui ont le tort de vouloir faire respecter les droits de l' élève en tant que personne humaine, ni fichable, ni astreinte à des suppléments de classe  vécus comme des punitions, ni enjeu monnayable du nouveau marché de l' éducation.

            Les valets du pouvoir, inspecteurs de circonscriptions, conseillers pédagogiques, enseignants référents... ébranlés par cette nouvelle brutalité relationnelle, tremblent à l' idée de ne pas exécuter leurs ordres selon leur bon plaisir. Le règne de l' arbitraire est instauré, pour décider qui doit disparaître, qui doit être désigné comme personne inutile dont le poste est bon à être supprimé... selon des critères parfois confus, où seront protégés les tartuffes habitués aux courbettes, prochainement adoubés par ailleurs pour obtenir ces postes « à profil » qui se multiplient.

 

            Nous n' avons rien de bon à attendre de ces gens-là... L' heure est à la prise de conscience et au refus d' obéir, et nous verrons alors si nous sommes encore en démocratie... ou dans un sursis bien illusoire avant la tyrannie déclarée.  



29/03/2009
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