Lettre d'une institutrice de Brax (31) à son inspecteur
Marie-Hélène LIOT
Adjointe classe élémentaire
Ecole élémentaire
1, rue François Verdier
31490 BRAX
Le 13 décembre 2008
Monsieur l'Inspecteur,
Comme la très grande majorité de mes collègues je m'interroge sur le sens et la finalité des réformes qui nous sont proposées depuis bientôt deux ans. Il m'est difficile pour ne pas dire impossible de croire que toutes ces mesures sont prises dans l'intérêt de la scolarité des élèves.
La suppression du volume horaire de la semaine scolaire de 26h à 24h est un manque d'environ les deux tiers d'une année scolaire sur l'ensemble du parcours de l'école primaire. Le dispositif d'aide personnalisée ne répond pas aux besoins des enfants pris en charge par les maîtres spécialisés. Par contre, il constitue un prétexte démagogique pour supprimer les RASED (3000 postes de maîtres spécialisés cette année et 5000 les années suivantes) et supprimer deux heures d'enseignement hebdomadaire obligatoire. La suppression de ces milliers de postes échappera à l'opinion qui connaît mal le travail de ces maîtres et qui pourra se satisfaire de l'effet d'annonce de l'aide personnalisée.
C'est pourquoi, en conscience, après en avoir parlé avec les élèves et leurs parents, dès la prochaine période, je proposerai à l'ensemble des élèves de la classe des ateliers sur ces deux heures de « soutien ». Il m'est impossible de collaborer d'une quelconque façon à la disparition des réseaux d'aide aux élèves en difficulté.
Les stages de remise à niveau pendant les vacances sont des dispositifs destinés à répondre à une certaine opinion publique. C'est à peine un raccourci que de dire qu'on fait faire aux enfants pendant les vacances ce que nous n'avons plus le temps de faire du fait de la perte de deux heures par semaine. Il y a quelque chose de vicié à se faire payer en heures supplémentaires défiscalisées ce que nous n'avons plus le temps de faire en classe.
Je m'engage donc à ne pas participer aux stages de mise à niveau et à ne pas communiquer de liste d'élèves pour ces stages.
Les nouveaux programmes sont en contradiction avec les objectifs affichés. Avec un cinquième de temps en moins il faudrait se concentrer sur les fondamentaux tout en rajoutant des matières. Et ce n'est pas la vague promesse d'un retour aux bonnes vieilles méthodes qui résoudra ces contradictions.
Je m'engage donc à favoriser la construction de la pensée et à développer des apprentissages qui ne sont pas basés sur des automatismes.
Je m'engage donc à apprendre à lire, écrire, et calculer à mes élèves pour qu'ils puissent analyser et comprendre le monde dans le respect des droits de tous.
L'Education Nationale a de plus en plus recours à des emplois de personnes non-titulaires, dont la précarité augmente à chaque nouveau contrat (Emploi-jeune, Assistant d'Education, CAV-CAE). Leurs conditions de travail (salaire, durée de contrat, absence de statut, formation, etc.) sont inacceptables. Ces personnels ne peuvent effectuer leur travail correctement auprès des élèves et de l'école.
Je m'engage donc à ne pas cautionner cette précarité et à la dénoncer.
La loi sur le « service minimum d'accueil » dans les écoles les jours de grève est un dispositif de limitation du droit de grève. La commune où je travaille n'est pas en mesure, pour l'instant, d'organiser ce service minimum. Je vous informe que je détournerai ce dispositif en déclarant systématiquement mon intention d'être gréviste, que je me mette ou non effectivement en grève. Par contre, j'informerai les parents de mon intention, bien que la loi ne me l'impose pas.
Je suis opposée aux primes et heures supplémentaires qui divisent les enseignants au lieu de favoriser le travail en équipe, comme dans le cas des primes pour les évaluations nationales. Etant chargée d'une classe de CM2, je refuse la prime de 400? prévus pour les évaluations nationales et vous prie de bien vouloir faire le nécessaire auprès des services compétents pour qu'ils ne me soient pas versés. Je vous en remercie d'avance. Je continuerai à travailler solidairement et en équipe avec mes collègues.
Toutes ces réformes, diminution des horaires de la semaine, aide personnalisée, stages de remise à niveau, nouveaux programmes conduisent à un démantèlement de l'école et de l'éducation nationale auquel je me refuse à participer.
C'est une atteinte fondamentale au droit à l'éducation.
Vous comprendrez, Monsieur l'Inspecteur, que cette prise de position n'est pas dirigée contre vous. J'espère qu'étant reprise par le plus grand nombre de collègues possible, elle vous persuadera de la gravité de la situation et que vous pourrez d'une manière ou d'une autre témoigner en notre faveur de cette résistance.
Je vous prie de recevoir Monsieur l'Inspecteur avec l'assurance de mes sentiments respectueux, mon profond attachement à l'école publique et laïque.