Lettre d'un instituteur de Saint Calais (72) à son inspecteur
Saint-Calais, le 14 janvier 2009
M. PILET Sébastien,
enseignant-directeur
Ecole Paul Bert
La Courtille
72120 Saint-Calais
à Monsieur Jean-Claude ROUANET,
Inspecteur d'Académie,
Directeur des Services Départementaux
de l'Education Nationale
s/c Monsieur MALAIZE,
Inspecteur de l'Education Nationale
circonscription de Château-Du-Loir
Objet : En conscience, je refuse d'obéir !
Monsieur l'Inspecteur,
Professeur des écoles depuis 2002, affecté sur l'école Paul Bert de Saint-Calais, école de dix classes dont une Clis et un réseau d'aides et depuis la rentrée 2005, professeur des écoles en charge de la direction, je vous écris cette lettre car, en conscience, je ne puis plus me taire !
Obéissant aux exigences de ma conscience, je refuse de me soumettre aux injonctions du Ministre, je refuse le rôle que l'on m'impose. Cette objection de conscience, réfléchie et assumée, va bien au delà de ma grève du zèle déclarée dans mon courrier du 26 mars 2007 : je refuse de collaborer au démantèlement de notre système éducatif !
L'Education est la richesse d'un peuple, elle est aussi son avenir. Elle doit être considérée comme un investissement et non pas comme une dépense inutile. On ne peut pas accepter que la réduction des dépenses de l'Etat se fasse sur le dos de nos enfants.
Or, cette réforme de l'Education, élaborée sans aucune concertation sérieuse et imposée sans ménagement, est faite au détriment de l'avenir. Elle ne permettra ni la lutte contre l'échec scolaire, ni l'émancipation des élèves. En outre, elle met à mal les valeurs essentielles de notre société républicaine.
A l'école, j'ai appris la Révolution française, la Marseillaise, la déclaration des droits de l'Homme... la seconde guerre mondiale. Je suis d'une génération à qui l'Ecole Publique et Laïque, a appris à être un citoyen, libre de penser et d'agir selon sa conscience.
La déconstruction des fondements de notre système éducatif m'est insupportable. Il est de ma responsabilité de citoyen, enseignant, père de trois enfants, de tout mettre en œuvre pour enrayer ce projet désastreux pour notre société.
C'est pourquoi je fais le choix de la désobéissance civile.
En choisissant la désobéissance civile plutôt que l'obéissance servile, je n'agis pas pour défendre mes intérêts personnels, ni aucun autre d'ailleurs. Mais j'agis pour défendre l'intérêt général et plus précisément celui des élèves.
Je reprendrais enfin les propos de Jean-Marie Muller, écrivain : « L'histoire l'a amplement montré, la démocratie est beaucoup plus menacée par l'obéissance passive des citoyens que par leur désobéissance […] La grandeur d'une démocratie, c'est de ne pas criminaliser la dissidence, mais de la reconnaître comme l'expression de la liberté des citoyens. » (Lettre ouverte adressée à l’inspecteur d’académie de Montpellier)
En ce début d'année 2009, je formule le vœux que vous ne soyez pas un fonctionnaire soumis et obéissant. Et que, vous aussi, saurez entendre votre conscience.
Recevez, Monsieur l'Inspecteur, l'assurance de mes sentiments déterminés et respectueux.
Sébastien PILET
enseignant-directeur
Comme vous le savez, des conseils locaux de la Résistance s'organisent régulièrement.
Ces Conseils rassemblent des personnes de tous secteurs socio-professionnels.
Se réunissent ainsi : des enseignants bien sûr, mais aussi des parents d'élèves, des élus...
« Créer, c'est résister. Résister, c'est créer. »
Appel des résistants de la seconde guerre mondiale,
14 mars 2004
« La désobéissance civile est le droit imprescriptible de tout citoyen.
Il ne saurait y renoncer sans cesser d'être un homme. »
Gandhi, Tous les hommes sont frères,
Gallimard, 1969