Lettre collective de résistance de 31 enseignants des Hautes Alpes (05)
Le 3 juin 2009
Monsieur l’Inspecteur,
Nous vous écrivons cette lettre car aujourd’hui, en conscience, nous ne pouvons plus nous taire ! En conscience, nous choisissons la résistance !
Nous ne pouvons accepter, sans réagir, le démantèlement des fondements de l’Education Nationale et les dérives qui sont corrélées à sa mise en œuvre.
L’objet de notre lettre est de vous informer que nous ne participerons ni par une collaboration active ni par un silence complice à la déconstruction du système éducatif de notre pays.
En effet, les mesures qui nous sont imposées ont été décidées dans la précipitation, sans aucune concertation et avec pour objectif des restrictions budgétaires. Elles ont rejeté toutes les recherches dans le domaine des sciences de l’éducation, de la pédagogie et de la chronobiologie. Elles tentent de faire porter la responsabilité des difficultés rencontrées par les élèves sur la seule Ecole alors que le problème est beaucoup plus général et concerne la société toute entière.
Par ailleurs, à l’occasion de la passation des évaluations en CM2, nous avons été témoins et victimes d’une manipulation des résultats et de pratiques qui portent atteinte aux valeurs de notre profession.
C’est pourquoi nous avons décidé :
- de ne pas participer aux stages de remise à niveau,
- de refuser les heures défiscalisées et les primes de toute nature qui vont à l’encontre du travail d’équipe des enseignants,
- de ne pas évaluer les élèves sur des notions qui n’ont pas été travaillées,
- de ne pas appliquer de mode de notation binaire ni pour des évaluations ni pour des livrets scolaires parce qu’il est incompatible avec une appréciation fine, juste et formatrice,
- de ne transmettre les résultats des évaluations nationales qu'aux seules familles concernées et ce afin d’éviter une éventuelle manipulation de ces résultats, des comparaisons et la mise en concurrence des écoles,
- de ne pas mettre en œuvre certains éléments des programmes 2008 lorsqu’ils ne prennent pas en compte la cohérence des apprentissages et le temps nécessaire à la complexité de l’acquisition des savoirs ou lorsqu’ils relèvent d’un enseignement qui privilégie des apprentissages mécanistes au détriment de la compréhension, de la réflexion et de l’appropriation des notions en jeu.
Nous continuerons à mettre en place des évaluations constructives, favorisant l’autonomie et l’estime de soi, qui resteront des outils internes au service des enseignants et des élèves.
Nous demandons que de nouveaux programmes soient réfléchis en concertation avec les enseignants sur la base des recherches menées en sciences de l’éducation et au sein des mouvements pédagogiques.
Nous demandons la suppression des deux heures hebdomadaires d’APE et le rétablissement du même volume horaire pour tous.
Nous demandons l’établissement d’un calendrier scolaire qui prenne véritablement en compte les rythmes d’apprentissage et le développement de l’enfant.
Nous demandons l’arrêt des suppressions de postes et les moyens humains nécessaires pour garantir un enseignement de qualité et un encadrement satisfaisant des enfants en situation de handicap.
Nous demandons une formation professionnelle digne de ce nom, à la fois initiale et continue.
Nous faisons ces choix uniquement dans l’intérêt des élèves et du service public d’Education. Nous faisons ces choix dans l’espoir de construire une école du respect, de la coopération, de la solidarité, de la recherche, de la créativité, et des progrès de tous les élèves.
Attachés à la qualité de l’Education Nationale, nous vous prions d’agréer, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, nos sentiments respectueux et de croire en notre profond dévouement à la cause des enfants et de l’Ecole Publique.
Collectif des enseignants hauts-alpins en résistance