A Xavier Darcos

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Le 24 juin 2009

Cher Monsieur Darcos,

Nous sommes heureux de vous voir quitter le navire que vous avez failli faire couler !

Il est clair aujourd'hui que vous avez manqué à vos engagements en ce qui concerne les petits citoyens français, à savoir les Enfants.

Au lieu de faire honneur à cette Éducation publique et laïque voulue par Jules Ferry, vous avez cautionné sa destruction programmée – mais non avouée, sous couvert de résoudre "l'échec scolaire"...

Nous refusons toujours de croire en vos arguments abrutissants de non-sens.

Nous refusons de croire que l'Éducation Nationale soit en faillite : 85% des élèves réussissent !

Nous sommes entrés en résistance pour rappeler l'urgence extrême du présent.

Ce n'est pas le moment de nous adonner à la drogue tranquillisante de la fausse solution graduelle que sont vos réformes honteuses...

Il est grand temps de quitter la vallée sombre et désolée de la supercherie, de la stigmatisation et de refuser le formatage des pensées, pour nous avancer vers le sentier brillant de la réflexion pédagogique.

Il est grand temps de rendre réelles toutes les promesses de la démocratie et d'aider notre nation à se dégager des sables mouvants de l'ultra-libéralisme qui pourrissent notre société, pour reconstruire l'École Publique sur le roc solide d'une réelle concertation réfléchie.

Il est grand temps de considérer, uniquement et véritablement, le seul intérêt de l'Enfant.

Ce serait une erreur fatale pour la nation de refuser de voir l'urgence du moment.

Cette année scolaire qui s'achève n'est pas une fin en soi mais un commencement !

Et ceux qui espèrent, dont vous Monsieur Darcos, que les enseignants ont eu besoin de passer leur colère et qu'ils sont maintenant satisfaits, sont bien dupes...

Il n'y aura ni repos ni tranquillité à l'École jusqu'à ce que chaque enfant voie complètement ses droits respectés.

Les tourbillons de la révolte continueront à ébranler les fondements de notre profession jusqu'à ce que la vérité soit faite sur vos plans machiavéliques : casser l'École Publique.

Sous le prétexte mensonger d'aider les 15% d'élèves en difficulté !

Mais il y a quelque chose que nous devons vous dire : tout en luttant pour défendre notre mission au service de tous les enfants, nous ne sommes pas coupables d'actions mauvaises.

Nous ne cherchons pas à satisfaire notre intérêt personnel en désobéissant à des réformes amères et douteuses.

Nous conduisons notre lutte sur un plan élevé de dignité, de respect, de discipline et ne laisserons pas nos revendications créatrices dégénérer en quelconque violence.

Encore et encore, nous nous élèverons jusqu'aux hauteurs majestueuses où l'on réfute les propos diffamatoires et insultants, que vous avez eus à notre égard maintes fois, avec la force de l'âme.

L'esprit militant qui a pénétré le corps enseignant ne nous amènera pas à manquer de confiance en l'avenir des enfants, parce que beaucoup de parents, de chercheurs, comme le prouvent leurs nombreuses interventions, que vous niez d'ailleurs, savent aussi que la destinée des enfants est liée à celle de l'École.

Nous ne cheminons pas seuls. Et nous marcherons toujours de l'avant. Nous ne pouvons pas retourner en arrière.

Vous vous demandez : « Quand seront-ils satisfaits ? »

Nous ne serons jamais satisfaits tant que les enfants seront victimes des horreurs sous-jacentes à la brutalité de vos réformes.

Nous ne serons jamais satisfaits tant que nos esprits, lourds de la fatigue des réflexions, ne pourront pas obtenir la certitude que nous oeuvrons pour un service public d'éducation digne de ce nom.

Nous ne serons pas satisfaits tant que les Rased ne seront pas développés, tant que les postes ne seront pas maintenus et multipliés, tant que l'école maternelle sera menacée, tant que les élèves seront fichés dans votre base, tant que les programmes ne seront pas adaptés aux enfants, tant que leur rythme ne sera pas respecté, tant que les plus fragiles seront tenus aux heures supplémentaires, tant que la compétition entre les élèves, les enseignants et les établissements scolaires sera la première motivation de l'École...

Nous ne serons jamais satisfaits tant qu'on dépouillera nos enfants de leur dignité et tant qu'on les privera de leur droit au repos, à l'épanouissement de leur personnalité et au développement de leurs aptitudes mentales et physiques pour apprendre décemment...

Nous ne serons jamais satisfaits tant que nous serons considérés comme des pions.

C'est pour cela que nous continuerons à désobéir, en conscience, à ces réformes qui contreviennent à l'esprit de justice et d'équité. C'est là notre devoir.

Donc, Monsieur Darcos, aujourd'hui nous vous disons que nous avons un rêve.

C'est un rêve qui est profondément enraciné dans le corps de notre profession.

Nous rêvons que le gouvernement actuel se réveille un jour en faisant honneur à l'École Publique.

Nous rêvons qu'un jour votre Ministère, qui étouffe dans la fournaise de la répression et de l'autoritarisme, soit transformé en une oasis de lucidité, d'intelligence et de coopération sérieuse.

Nous rêvons que les élèves apprennent un jour dans une école où ils ne seront pas jugés sur leurs performances, mais à la mesure de leur caractère et de leurs capacités, sans aucune stigmatisation, sans aucune entorse à leur enfance...

Nous rêvons que jamais les réformes que vous défendez avec mépris ne puissent persister...

Nous rêvions votre démission, vous glissez dans la « Cour des grands ».

Eh bien bon vent, cher Monsieur Darcos, et merci d'avoir rallumé le feu de la résistance...

Mouvement des enseignants du primaire en résistance pédagogique

(Rédaction coordonnée par Sophie Acquistapace, d'après Martin Luther King)

 



24/06/2009
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