Lettre ouverte aux inspecteur-rices de l'Education Nationale
LETTRE OUVERTE AUX INSPECTRICES/INSPECTEURS DÉPARTEMENTAUX
DE L'ÉDUCATION NATIONALE
Depuis le début de l'année scolaire, de toute part en France, les enseignants expriment leur profond malaise face aux « réformes » déstructurantes qui touchent l'école aujourd'hui. Les enseignants tentent malgré tout de remplir leurs missions éducatives et pédagogiques en aménageant ou en détournant les réformes actuelles (aide personnalisée, nouveaux programmes, évaluations nationales CM2, base élèves...).
Certains le font discrètement, d'autres ont choisi de l'exprimer au grand jour. Dans les deux cas, cette résistance pédagogique n'a d'autre but que de permettre aux élèves de mieux réussir et s'épanouir à l'école.
Le réseau des enseignants "désobéisseurs" (fédérés par le blog : résistance pédagogique pour l'avenir de l'école) s'adresse à vous aujourd'hui car la situation n'est plus tenable pour aucun d'entre nous, membres de l'Éducation Nationale.
Votre position administrative et pédagogique difficile vous place de fait comme le rouage essentiel au sein de notre école. C'est à vous qu'il revient, avec l'aide de votre équipe de circonscription, de mettre en place de manière pratique ces différentes réformes. En choisissant les responsabilités d'IEN, vous faisiez le choix de mettre vos compétences au service d'une école pour la réussite de tous, une école de qualité, ambitieuse, une école rigoureuse et inventive adaptée aux générations qui la fréquentent.
C'est donc en toute loyauté que vous serviez l'État car ce dernier n'avait de cesse d'afficher L'EDUCATION comme priorité nationale.
Aujourd'hui, sous couvert de cette loyauté :
· Vous préparez, avec votre équipe, des animations pédagogiques visant à interpréter les programmes 2008 qui ne sont pas un outil de travail mais un catalogue à usage des parents.
· Vous demandez aux enseignants de faire en sorte que leurs élèves apprennent plus en moins de temps, de manière mécanique, en laissant de côté le développement harmonieux de l'intelligence et de l'autonomie de l'enfant.
· Vous demandez aux enseignants d'avoir des écrits professionnels et des progressions conformes aux programmes 2008, alors qu'ils avaient dû effectuer le même travail l'année précédente (programmes 2007) et quatre à six ans auparavant (mise en place progressive des programmes 2002).
· Vous demandez, en janvier, aux enseignants de CM2 de mettre leurs élèves en difficulté lors d'évaluations caricaturales et complètement inadaptées.
· Vous demandez aux équipes de mettre en place les deux heures hebdomadaires de soutien scolaire qui font de l'école républicaine un vaste marché désorganisé (différences suivant les écoles, les classes, les cycles, le choix des familles...), un lieu où l'on externalise le traitement de la difficulté scolaire au lieu de la traiter en classe.
· Vous demandez aux enseignants de remédier aux difficultés hors temps scolaire (aide personnalisée) et cela entraîne de fait la disparition des enseignants spécialisés des RASED. Mais les élèves concernés sont-ils les mêmes ? La difficulté est-elle uniquement à traiter à la marge ?
· Vous intervenez, avec plus ou moins de zèle, dans l'élaboration de rapports entraînant des sanctions à l'encontre des enseignants "désobéisseurs" alors que vous comprenez leur colère et partagez, pour la plupart d'entre vous, leurs analyses.
Nous notons l'extrême disparité avec laquelle les sanctions sont appliquées d'un département à l'autre selon l'interprétation qui est faite du « service fait », « non fait », « partiellement fait ».
· Demain, vous allez devoir désigner ceux de nos collègues poste E et poste G qui devront regagner une classe ou une école, niant ainsi leurs spécificités professionnelles que vous reconnaissiez jusqu'alors.
Nous pourrions poursuivre cette longue litanie, tant les « réformes » en cours et à venir vous placent et vous placeront dans une position inconfortable, mais tout cela vous le savez déjà, vous le vivez au quotidien.
De leur côté, les enseignants perdent confiance en leur administration et leur hiérarchie qui, au lieu d'ouvrir le dialogue, réagissent par la répression. Beaucoup ont peur, sont démobilisés ou font du mauvais travail en raison de l'impossible mise en pratique des « réformes » (conflits dans les équipes, bachotage, fraude, comptabilisation a minima des heures sans les élèves...). Vous ne pouvez l'ignorer et surtout ne pas le faire remonter.
Nous connaissons votre loyauté envers l'école aussi nous vous interpelons pour qu'en conscience, vous exprimiez publiquement votre opposition à ces réformes qui vont déconstruire cette école publique qui a fait de vous des êtres libres et éclairés.
Lettre rédigée par les enseignants désobéisseurs de France fédérés en réseau par le blog Résistance pédagogique pour l'avenir de l'école.