Lettre de désobéissance de 380 enseignants de l'Hérault (34)

Mercredi 17 décembre, 380 enseignants de l'Hérault ont écrit une lettre individuelle de désobéissance basée sur le modèle ci-dessous.

A l'occasion d'un rassemblement de 200 personnes devant l'Inspection Académique, en présence notamment de Bastien Cazals, d'Alain Refalo et de Philippe Cherpentier, trois des premiers enseignants désobéisseurs, une délégation intersyndicale a été reçue par le secrétaire général et l'Inspecteur d'Académie adjoint.

Un
ultimatum a été adressé à l'IA par les 4 représentants des organisations syndicales qui ont remis les lettres : toutes les sanctions doivent être levées envers Bastien Cazals, et les deux directrices qui ont refusé base élèves avant le 9 janvier. Sinon, un mouvement de grève totale aura lieu dans les écoles le mardi 13 janvier.


Nom Prénom

Ecole

A l'attention de

Monsieur Paul-Jacques GUIOT

Inspecteur d'Académie

 

Montpellier, le 17 décembre 2008

                             

  Monsieur l'Inspecteur d'Académie,

 

Comme la très grande majorité de mes collègues je m'interroge sur le sens et la finalité des réformes qui nous sont proposées depuis bientôt deux ans. Il nous est difficile pour ne pas dire impossible de croire que toutes ces mesures sont prises dans l'intérêt de la scolarité des élèves.

 

1° La suppression du volume horaire de la semaine scolaire de 26h à 24h est un manque d'environ une année scolaire sur l'ensemble du parcours de l'école primaire. De l'aveu même de M. le Recteur de l'Académie de Montpellier, il s'agit de répondre avant tout à l'attente sociale de libérer le samedi matin. Le dispositif d'aide personnalisée ne répond pas aux besoins des enfants pris en charge par les maîtres spécialisées. Par contre il constitue un prétexte démagogique pour supprimer les RASED (3000 postes de maîtres spécialisées cette année et 5000 les années suivantes) et supprimer deux heures d'enseignement  hebdomadaire obligatoire. La suppression de ces milliers de postes échappera à l'opinion qui connait mal le travail de ces maîtres et qui pourra se satisfaire de l'effet d'annonce de  l'aide personnalisée.


Je m'engage donc à suspendre ou arrêter l'aide personnalisée et à participer à une réflexion sur l'aménagement de la semaine et de l'année.

 

2° Les stages de remise à niveau pendant les vacances sont des dispositifs destinés à répondre à une certaine opinion publique. C'est à peine un raccourci que de dire qu'on fait faire aux enfants pendant les vacances ce que nous n'avons plus le temps de faire du fait de la perte de deux heures par semaine.  Il y a quelque chose de vicié à se faire payer en heure supplémentaire défiscalisée ce que nous n'avons plus le temps de faire en classe.


Je m'engage donc à ne pas participer aux stages de mise à niveau et à ne pas communiquer de liste d'élèves pour ces stages.

 

3° Les nouveaux programmes sont en contradiction avec les objectifs affichés. Avec un cinquième de temps en moins il faudrait se concentrer sur les fondamentaux tout en rajoutant des matières. Et ce n'est pas la vague promesse  d'un retour aux bonnes vieilles méthodes qui résoudra ces contradictions.


Je m'engage donc à favoriser la construction de la pensée et à développer des apprentissages qui ne sont pas basés sur des automatismes.

Je m'engage donc à apprendre à lire, écrire, et calculer à mes élèves pour qu'ils puissent analyser et comprendre le monde dans le respect des droits de tous.

 

4° Le fichage généralisé que constitue l'enregistrement des élèves et de données les concernant, à travers le dispositif Base-élèves n'apporte rien d'un point de vue pédagogique. Au contraire, c'est une atteinte fondamentale aux libertés individuelles et une remise en cause grave du secret partagé (cf. Plan de Prévention de la Délinquance)


Je m'engage donc à refuser le fichage de mes élèves dans l'application Base-élèves.

 

5° L'Education Nationale a de plus en plus recours à des emplois de personnes non-titulaires, dont la précarité augmente à chaque nouveau contrat (Emploi-jeune, Assistant d'Education, CAV-CAE). Leurs conditions de travail (salaire, durée de contrat, absence de statut, formation, etc.) sont innacceptables. Ces personnels ne peuvent effectuer leur travail correctement auprès des élèves et de l'école.


Je m'engage donc à ne pas cautionner cette précarité et à la dénoncer.

6° La loi sur le service minimum d'accueil remet gravement en cause notre droit de grève. Là aussi il s'agirait de répondre à une demande sociale. Mais je n'ai pas constaté comme la très grande majorité de mes collègues que ce soit une préoccupation majeure des parents. Par contre ceux-ci s'inquiètent du manque chronique de remplaçants dont le nombre baisse avec la diminution drastique des postes dans le 1° degré opérée depuis trois ans.


Je déclare donc que je ne remplirai plus de déclarations d'intention préalable de grève.

Toutes ces réformes, diminution des horaires de la semaine, aide personnalisée, stage de remise à niveau, nouveaux programmes conduisent à un démantèlement de l'école et de l'éducation nationale auquel je me refuse à  participer.


C'est une atteinte fondamentale au droit à l'éducation.

 

                Vous comprendrez, Monsieur l'Inspecteur d'Académie, que cette prise de position n'est pas dirigée contre vous. J'espère qu'étant reprise par le plus grand nombre de collègues possible, elle vous persuadera de la gravité de la situation telle que nous la percevons et que vous pourrez d'une manière ou d'une autre témoigner en notre faveur de cette résistance auprès de M. le Ministre.

 

                Je vous prie de recevoir Monsieur l'Inspecteur d'Académie mon profond attachement à l'école publique et laïque.


18/12/2008
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