Nous ne regretterons pas M. Chatel, par Alain Refalo
Ultime provocation d’un ministre aux abois sur le départ, Luc Chatel publie en date du 7 mai un décret scandaleux sur l’évaluation des enseignants, synthèse de sa politique libérale-autoritaire envers l’école. Mépris envers les enseignants, imposture des pseudo-réformes qui ont fait souffrir l’école, apologie du pilotage par les chiffres et la compétition, tel est le bilan de Luc Chatel que nous ne regretterons pas.
La seule priorité de ce ministre a été de vouloir inculquer les méthodes du « managment par le stress » à l’école, en dehors de toute considération humaine et éducative pour les élèves et les enseignants. Evaluationnite aigüe, fichage des élèves, externalisation des dispositifs d’aide aux élèves en difficulté, remise en cause de la liberté pédagogique, contrats d’objectifs chiffrés, la litanie est longue des mauvais coups qu’il a portés à l’école de la nation. Sans oublier les dizaines de milliers de suppressions de postes.
Dans la foulée de son successeur, Xavier Darcos, il a rompu durablement l’indispensable lien de confiance entre l’autorité hiérarchique, l’encadrement intermédiaire et les enseignants du primaire, lien de confiance sans lequel il est impossible de construire quotidiennement une école du progrès pour tous. C’est une politique de la suspicion permanente qui a été érigée en système, plongeant les enseignants dans le désarroi, le doute, la résignation et la souffrance.
Il a voulu caporaliser les enseignants du primaire en exigeant leur obéissance inconditionnelle à des injonctions hiérarchiques constituant un reniement de l’éthique de leurs missions. Il a voulu acheter leurs consciences en instituant des primes pour ceux qui, servilement, feraient passer les évaluations nationales, symboles de la culture de la performance chiffrée et de la compétition des uns contre les autres.
Face à la résistance éthique et responsable de milliers d’enseignants du primaire qui, dès 2008, ont affirmé ouvertement qu’en conscience, ils refusaient d’obéir et d’appliquer des dispositifs contraires aux valeurs de l’école de la République, il n’a eu de cesse d’ordonner aux inspections académiques de les poursuivre et de les sanctionner.
La défaite de l’ancien ministre, c’est qu’aucun d’entre eux n’est rentré dans le rang. Aucune sanction, financière, disciplinaire, ne les a dissuadés de continuer à résister pour le bien de leurs élèves. Face à une politique désastreuse et sans honneur, ils ont été les véritables garants de la continuité du service public d’éducation.
A l’heure où Luc Chatel quitte son ministère, nous restons à notre poste pour affronter les difficultés qui se sont accumulées. Avec la fragile espérance que demain s’écrira une nouvelle page pour les enfants de ce pays.
Alain Refalo
9 mai 2012
Article publié dans Médiapart