Sévices d'Etat contre service public, par Sylvain Grandserre

 

SEVICES D'ETAT CONTRE SERVICE PUBLIC

 

Une question fondamentale se pose cruellement aujourd'hui à tous les enseignants du pays : que doit faire un fonctionnaire quand l'état agit contresa mission de service public ?

 

En effet, nous voici dans une position pour le moins paradoxale. Par exemple, des académies demandent désormais de fixer, lors de la rédaction du projet d'école, des objectifs chiffrés de progrès. Or, les enseignants en question aimeraient bien savoir quels seront les "objectifs de progrès" du ministère, lui qui présente un bilan pour le moins effrayant de 5.000 écoles fermées en 11 ans ; 1.500 classes supprimées à la rentrée 2011 ; plus de 50.000 postes détruits en quatre ans ; des RASED, des remplacements, des formations initiales et continues qui disparaissent ; des jeunes élèves refusés à l'entrée en maternelle ; le pire taux d'encadrement au primaire des pays de l'OCDE ; un pilotage de l'appareil à partir d'indicateurs aussi peu fiables que les évaluations nationales ; un investissement budgétaire dans l'école inférieur de 15 % aux pays comparables !

 

On le voit, ces sévices de l'État contre l'un de ses services publics ne peuvent que faire dégénérer la situation sur le terrain. Quand les enquêtes s'enchaînent pour dire à quel point les professeurs sont actuellement malheureux car très largement opposés à ce qu'on leur demande de faire, qui s'en soucie ? Personne ! Au point que l'on peut se demander si tout cela n'est pas fait exprès...

 

Devant l'infaisabilité de la tâche qui leur est imposée, les enseignants développent avant tout un profond sentiment de culpabilité et d'impuissance qui s'accompagne de leur silence à défaut d'acceptation. Fort heureusement, certains réagissent différemment en restant fidèles à la mission qui leur a été initialement confiée. Et en le faisant savoir ! Ça devrait être la règle, ce n'est qu'une exception. On pourrait presque s'amuser de voir que les professeurs doivent enseigner ce qu'est la volonté, l'engagement, le courage - notamment au travers de grandes figures de l'histoire (de Gaulle, Gandhi, Martin Luther King, Nelson Mandela) – mais qu'il serait malvenu de leur part de s'en inspirer concrètement au quotidien !

 

François Le Ménahèze est pourtant de ceux-là. Chacun connaît l'importance, tout au long de sa carrière, de son engagement au service de l'école, tant avec ses élèves, leurs familles, les collègues, qu'avec les étudiants auprès desquels il intervient pour leur plus grand bien. Son travail est unanimement salué, reconnu, et inspire à la fois du respect et d'autres initiatives. Or, on ne peut obtenir pareil résultat qu'avec des agents totalement impliqués, non seulement par leurs actes professionnels, mais également par les valeurs ainsi défendues. Pourtant on voudrait qu'il en change comme de chemise au prétexte que la mode est au retournement de vestes ! On voit bien que ceux qui profèrent pareille exigence ont peu idée de ce qu'est la fidélité aux principes éducatifs fondamentaux que défend et met en œuvre François Le Ménahèze. Étonnant tout de même dans l'Education nationale, qu'on recrute et forme des cadres auxquels on demande ensuite une obéissance aveugle à des ordres marqués du sceau de l'incompétence et de la méconnaissance.

 

Ailleurs, notamment à France Télécom, il a ainsi été demandé aux salariés d'agir en contradiction avec ce qui nourrissait leur motivation. Nul n'ignore que depuis, ce management coercitif a été unanimement condamné. Mais en sommes-nous si loin dans le cas présent quand les sanctions prises et les menaces formulées semblent tant s'apparenter à du harcèlement ? Non !

 

Voilà pourquoi il est urgent d'arrêter cette politique qui fait à la fois si mal et si mal travailler ! Voilà pourquoi il est grand temps que cessent ces sévices et que François Le Ménahèze soit entièrement réhabilité dans l'ensemble des fonctions qu'il occupait jusque là, non seulement dans son intérêt propre, mais plus encore, dans l'intérêt général du service public d'éducation !

 

Sylvain Grandserre - Maître d'école en Haute-Normandie

Auteur (Prix Louis Cros de l'Académie des Sciences Morales et Politiques)

Chroniqueur presse et radio



02/06/2011
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