Refuser l'inspection, institution rétrograde, par collectif anti-hiérarchie

Pourquoi refuser l'inspection ?

Refuser l'inspection n'est pas un refus d'ouvrir sa classe à un regard extérieur. Bien au contraire, nous estimons que la confrontation des pratiques est nécessaire.

Mais l'inspection est censée assurer deux fonctions : conseiller et sanctionner ; or ces deux opérations s'excluent. L'inspecteur donne des conseils, c'est vrai, parfois. Toutefois, que vaut un conseil quand l'inspecteur n'a pas les mêmes lubies que le précédent (ou le suivant) ? Que vaut un conseil figé dans un rapport ? Que vaut un conseil donné par quelqu'un qui ne pratique plus le métier depuis des années, s'il l'a jamais pratiqué ?

Mais une inspection est un acte d'autorité. Même chargé de bonnes intentions, un inspecteur, c'est toujours un inspecteur. Cette subordination hiérarchique tend à l'infantilisation : plaire ou ne pas plaire à l'inspecteur. Pour nous, il ne saurait y avoir de collaboration pédagogique en dehors du cadre collectif et égalitaire d'une équipe.

Mais une inspection, c'est une note. Nous refusons la venue d'une personne qui ne vient que pour juger, faire un rapport et mettre une note. L'important n'est pas de juger l'enseignant, c'est de comprendre l'acte éducatif dans sa durée et de le faire évoluer, ce qui ne peut se faire qu'au sein d'une équipe.
S'il est absurde d'évaluer le travail d'un élève sur un seul exercice, cela l'est tout autant pour le travail des enseignants.

La notation, c'est le chantage à l'avancement au choix, à la mutation. Elle ne vise qu'à créer des inégalités dans le déroulement des carrières.

L'inspection est une institution rétrograde qui fait partie d'un système social fondé sur la hiérarchie. Nous ne l'acceptons pas.

Comment refuser l'inspection

Le texte qui suit concerne le refus d'inspection dans le 1er degré. La démarche est identique dans le secondaire.


Tout d'abord, vous pouvez signaler votre refus d'inspection, dès vos prises de fonction, en début d'année scolaire, sur la feuille de renseignements que vous remplissez pour l'IEN de votre circonscription. Si toutefois votre petit chef insiste pour venir vous inspecter ou si vous ne l'avez pas signalé, la procédure est la suivante :

Lorsque vous êtes averti de la visite de l'inspecteur, vous devez l'informer oralement mais surtout par écrit (en recommandé avec accusé de réception en cas de conflit prévisible, voire de recours administratif) de votre refus d'être inspecté. Le modèle de lettre de refus se trouve ci-dessous.

Après ce refus, vous recevrez éventuellement un courrier du rectorat vous informant de l'obligation qui vous est faite de fournir quatre ty-pes de justificatifs:

1. l'emploi du temps; 2. Le registre d'appel. Ces deux points sont une obligation administrative. Ils permettent de justifier de votre travail et de remplir les conditions légales de celui-ci. 3. Les relevés d'évaluation; 4. Le bulletin scolaire des élèves. Le caractère obligatoire de ces points 3 et 4 reste à déterminer puisqu'ils sont plus pédagogiques qu'administratifs. à vous de voir si voulez les fournir. Pour les autres outils pédagogiques utilisés, aucun cadre légal n'oblige à les présenter.

L'inspecteur, en général, repasse pour récupérer ces documents. Certains mènent un entretien avec vous, d'autres non. Votre attitude reste libre de toute contrainte : vous pouvez ou non vous entretenir avec votre chef, vous pouvez le faire dans votre classe ou dans le bureau de l'école dit « bureau du directeur ». En tout cas, soyez ferme dans votre attitude et, s'il le faut, rappelez à votre petit chef qu'il existe un cadre légal au refus d'inspection en citant les textes et références légaux. Ça les impressionne toujours, parfois ça les déstabilise et c'est le but, car ils montrent souvent une certaine ignorance, alors qu'ils sont censés les connaître. Si l'inspecteur insiste pour entrer dans votre classe, vous pouvez alors choisir de sortir avec vos élèves (pas forcément de le sortir, quoique…) en prenant soin de lui donner les documents obligatoires (cf. ci-dessus).

Il ne vous reste plus qu'à attendre votre rapport d'inspection avec une note qui va pouvoir varier de 0,5 à… L'administration a l'obligation de vous noter et en aucun cas ne peut vous attribuer une note égale à zéro. Sachez aussi que, depuis quelques temps, dans la majorité des académies, l'ien ne propose pas de note. Il fait remonter le constat de refus d'inspection et c'est le courrier contresigné par l'IA (le grand chef départemental) qui vous informe de votre note.

Il arrive aussi que le courrier de l'IA ne vous parvienne jamais. Vous pouvez exiger alors, par la voie hiérarchique, d'en être informé par une demande en communication de note et/ou de dossier administratif dans lequel votre dernier rapport doit figurer.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le refus d'inspection concerne uniquement les enseignants titulaires. Les enseignants stagiaires ne peuvent refuser les visites que leur rendent tant les ien que les conseillers pédagogiques de circonscription ou les imf et piufm, y compris en cas de prolongation éventuelle de scolarité.

Refus collectif, refus individuel
Il se peut que votre école refuse collectivement l'inspection (cas rare mais possible), dans ce cas tous signalent individuellement leur refus à l'inspecteur de la façon décrite ci-dessus. En tout état de cause, chaque refus individuel s'inscrit dans une démarche collective : prévenez donc le Collectif anti-hiérarchie et votre syndicat.


Et dans le secondaire ?

Il faut bien reconnaître que dans le secondaire le refus d'inspection est une pratique (encore !) moins courante que dans les écoles et qu'elle a particulièrement décliné depuis les années 80. Il reste néanmoins des professeurs pour s'opposer à la hiérarchie. Il existe même des établissements où des collègues s'opposent collectivement à l'inspection. De nouveaux cas de refuseux se font connaître. Un point à mettre à l'actif de la renaissance du Collectif anti-hiérarchie ?

Si les droits et la démarche de refus d'inspection sont identiques, une différence majeure entre le primaire et le secondaire tient au chef d'établissement, supérieur hiérarchique des enseignants, amené à les noter administrativement. Ainsi, en cas de refus, il faut informer le chef d'établissement parallèlement à l'inspecteur... et envisager une possible dégradation des rapports quotidiens ! Le refus entraînera probablement une baisse de la note administrative, ce que le ministère ne se privait pas de rappeler aux recteurs dans sa note de service du 2 novembre 1994.


Modèle de lettre pour refuser l'inspection.

Ce modèle est bien entendu adaptable et modifiable. Il importe simplement de conserver l'aspect collectif (vous n'êtes pas seul/e) et la référence légale.

Nom                                 Ville, date
fonction et affectation
                                       M. ou Mme X
                                       Inspecteur/ice de l'Éducation nationale
                                       de la ne circonscription de département
Refus d'inspection
par voie hiérarchique et lettre RAR

Monsieur l'Inspecteur,

Je vous informe de mon refus d'être inspecté. Je tiens toutefois à vous préciser brièvement les motifs de ce refus.

Souhaitant de nouvelles modalités d'animation pédagogique et d'évaluation, tant du fonctionnement du système éducatif que du travail des enseignants, qui ne sauraient se confondre avec une notation destinée essentiellement à établir des inégalités dans le déroulement des carrières ni avoir pour cadre un rapport hiérarchique, je ne peux considérer que l'inspection, dans ses modalités actuelles, réponde à ces objectifs.

En conséquence, sur consigne syndicale, dans le cadre du mouvement collectif national de refus de l'inspection et en référence à la note de service du 13 décembre 1983 de Monsieur le ministre de l'Éducation nationale, j'ai l'honneur de vous confirmer ma décision de refuser l'inspection que vous vous proposiez de me faire subir.

Je vous prie de croire, Monsieur l'Inspecteur de l'Éducation nationale, à mon dévouement au service public d'éducation.
                                       Nom et signature


Textes légaux de référence


- La note de service du 13 décembre 1983 du ministre de l'éducation nationale (Savary) qui explicite les modalités d'inspection et autorise le refus. Elle est reproduite ci-dessous.

Cette note est précisée par une lettre du 4 mai 1984 (BOEN n° 20 du 17 mai 1984).

- L'arrêt du Conseil d'État n° 115444, lecture du 18 novembre 1993, qui fait obligation à l'administration de l'Éducation nationale de noter ses enseignants, suite au recours d'une refuseuse. C'est cet arrêt qui ne permet plus à la hiérarchie de mettre zéro comme note.

- Le jugement du 27 mai 1997 du tribunal administratif de Caen (qui semble faire jurisprudence) qui a permis à un refuseux de retrouver une note normale.
Toutefois, par des notes de service concernant le primaire comme le secondaire en 1994, l'administration a semblé durcir le ton en rappelant que le refus d'inspection pouvait entraîner une procédure disciplinaire. Néanmoins, dans les faits, la seule sanction appliquée actuellement est la baisse de la note.


La note de service de 1983 qui autorise le refus d'inspection.

Note de service n° 83-512 du 13 décembre 1983
(éducation nationale : DAGEN)
Texte adressé au doyen de l'inspection générale de l'éducation nationale, aux recteurs, aux inspecteurs d'académie, directeurs des services départementaux de l'éducation nationale et aux chefs d'établissement (lycées, collèges, écoles).

Modalités de l'inspection des personnels enseignants.


Des précisions ayant été demandées au sujet des nouvelles orientations annoncées au mois de janvier 1983 pour l'inspection des personnels enseignants, la présente note a pour objet de faire le point des dispositions arrêtées dans ce domaine.

Les enseignants, comme les autres fonctionnaires, doivent faire l'objet d'un contrôle de leurs activités. Compte tenu de leurs missions, ce contrôle ne saurait se limiter aux aspects administratifs pris en compte, le cas échéant, par la notation proposée par le chef d'établissement à l'autorité compétente ; il doit permettre d'évaluer leurs activités pédagogiques et éducatives.
De façon concrète, les modalités suivantes ont été retenues pour l'intervention des différents corps d'inspection.

1. La visite d'établissements et de classes sans notation est recommandée avant les inspections individuelles. Elle donne lieu à une observation préalable des conditions d'exercice de la fonction enseignante, compte tenu de l'environnement socioculturel, du cursus scolaire des élèves et du projet d'établissement.

2. Toutes les visites des inspecteurs dans les établissements sont annoncées avec mention de leurs objectifs.

3. L'inspection individuelle comprend un entretien approfondi avec l'enseignant d'une part, et avec l'enseignant et l'équipe pédagogique d'autre part.

4. Le rapport d'inspection porte sur l'ensemble des activités de l'enseignant. Le contexte dans lequel il effectue son travail fait l'objet d'une analyse.

5. Le rapport d'inspection est adressé à l'enseignant dans un délai d'un mois. Il peut donner lieu à des observations de l'intéressé, qui bénéficie d'un droit de réponse ; ces observations sont intégrées au dossier d'inspection.

6. Les notes pédagogiques sont arrêtées après avoir été harmonisées au niveau national, académique ou départemental. Elles sont, dans toute la mesure du possible, communiquées aux enseignants dans le trimestre qui suit l'inspection.

7. En cas de baisse de note, une nouvelle inspection peut être prévue dans un délai rapproché. Les commissions administratives paritaires compétentes sont informées des cas de baisse de notes.

8. Les inspecteurs pédagogiques régionaux peuvent inspecter les classes préparatoires aux grandes écoles. Dans ce seul cas, ils inspectent sur délégation de l'inspection générale.

9. En cas de refus d'inspection et compte tenu des garanties qui sont désormais données aux enseignants, aucune note pédagogique n'est attribuée, avec toutes les conséquences que ceci entraîne, le cas échéant, pour la détermination de la note globale.

S'agissant de l'enseignement privé sous contrat d'association, les inspecteurs pédagogiques régionaux ont, en l'état actuel des textes, une mission moins ample puisqu'elle ne porte pas sur le projet éducatif des établissements. Ils vérifient que l'enseignement est dispensé selon les règles générales et les programmes de l'enseignement public. Ils procèdent à la notation pédagogique des maîtres des classes sous contrat d'association. Ils inspectent en temps utile les maîtres des classes sous contrat d'association. Ils inspectent en temps utile les maîtres sous contrat provisoire pour apprécier leurs aptitudes avant l'octroi éventuel d'un contrat définitif.
(B.O. n° 46 du 22 décembre 1983)

Source : Collectif anti-hiérarchie


08/11/2008
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