Lettre de désobéissance de 132 enseignants du Havre

Lettres de désobéissance signées par 132 enseignants du Havre et remises à l'Inspection Académique le mardi 16 décembre

"Nous refusons d'obéir ! Nous entrons en résistance"

Le Havre le 15/12/08

Monsieur l'Inspecteur,
monsieur le proviseur,
monsieur le principal (rayer les mentions inutiles !)

Nous vous écrivons cette lettre car aujourd'hui, en conscience, nous ne pouvons plus nous taire ! En conscience, nous refusons d'obéir. Depuis un an, au nom des indispensables réformes, un processus négatif de déconstruction de l'Education Nationale s'est engagé qui désespère de plus en plus d'enseignants.

Dans la plus grande précipitation, sans aucune concertation digne de ce nom, au mépris de l'opinion des enseignants qui sont pourtant les « experts » du quotidien sur le terrain, les annonces médiatiques de « réformes » de l'école se succèdent, suscitant tantôt de l'inquiétude, tantôt de la colère, et surtout beaucoup de désenchantement et de découragement. La méthode est détestable. Elle témoigne de beaucoup de mépris et d'arrogance vis-à-vis de ceux qui sont les premiers concernés. La qualité d'une réforme se juge autant par son contenu que par la façon dont est elle est préparée, expliquée et mise en ouvre.

L'Education Nationale n'est pas l'armée ! Il n'y a pas d'un côté ceux qui décident et d'un autre côté ceux qui exécutent ! L'honneur de notre métier est aussi de faire oeuvre de raison, de critique et de jugement. Aujourd'hui, la coupe est pleine ! Le démantèlement pensé et organisé de l'Education Nationale n'est plus à démontrer tant les mesures décidées et imposées par ce gouvernement l'attestent au grand jour : des milliers de suppressions de postes qui aggravent une situation d'enseignement déjà difficile, la diminution du volume horaire hebdomadaire, la préférence accordée à la semaine de 4 jours, pourtant dénoncée par tous les chronobiologistes, l'alourdissement des programmes scolaires malgré une rhétorique qui prétend le contraire, les menaces qui pèsent sur l'avenir des IUFM, la disparition annoncée des RASED alors qu'aucun bilan véritable de leur action n'a été réalisé, la réaffectation dans les classes des enseignants travaillant pour les associations complémentaires de l'école, ce qui mettra à bas grand nombre de projets éducatifs dont l'utilité n'est plus à démontrer, la mise en place d'une agence chargée du remplacement avec l'utilisation de vacataires, la création des EPEP où les parents et les enseignants seront minoritaires dans le Conseil d'Administration, la dévalorisation du métier d'enseignant dans les écoles maternelles et les menaces qui pèsent sur celles-ci, la liste est longue des renoncements, des coupes franches et finalement des mauvais coups portés à notre système éducatif.

Sans compter, ce qui nous est le plus insupportable, l'insistance à dénoncer le soi-disant « pédagogisme », c'est-à-dire les mouvements pédagogiques qui, depuis des décennies, apportent des réponses innovantes, crédibles, raisonnables à l'échec scolaire. Le démantèlement des fondements de l'Education Nationale est un processus que nous ne pouvons accepter sans réagir.

L'objet de notre lettre est de vous informer que nous ne participerons pas à ce démantèlement. En conscience, nous refusons de nous prêter par notre collaboration active ou notre silence complice à la déconstruction d'un système, certes imparfait, mais qui a vocation à éduquer et instruire, à transmettre tout autant un « art de faire » qu'un « art de vivre », en donnant toutes ses chances à chaque élève, sans aucune distinction.

1 - La réduction du volume horaire de la semaine scolaire de 26h à 24h apporte des bouleversements tels dans l'organisation des écoles, qu'il faut aujourd'hui parler de désorganisation structurelle. Le dispositif d'aide personnalisée pour « les élèves en difficulté » n'est qu'un prétexte démagogique pour supprimer les RASED en entretenant la confusion entre la prise en charge spécialisée et une intervention de soutien pédagogique. Ce dispositif porte un coup fatal à la crédibilité du métier d'enseignant. En effet, de nombreuses expériences pédagogiques d'hier et d'aujourd'hui ont montré et montrent que la difficulté scolaire se traite avec efficacité avec l'ensemble du groupe-classe, dans des dynamiques de coopération, de tutorat, de travail différencié, d'ateliers de besoin, etc. Le dispositif actuel considère que la difficulté doit être traitée de façon « médicale », avec un remède individuel, en dehors de toute motivation et de tout projet de classe. C'est une grave erreur. En conscience, nous suspendons l'application du dispositif d'aide personnalisée tel qu'il est actuellement organisé tant que les trois mille postes RASED ne sont pas rétablis. Nous utiliserons les deux heures ainsi libérées au mieux des intérêts de nos élèves et du fonctionnement de nos écoles, en attendant que la situation soit débloquée.

2 - Les stages de remise à niveau pendant les vacances scolaires à destination des élèves de CM1 et CM2 sont eux aussi des dispositifs scandaleux et démagogiques destinés à caresser l'opinion publique dans le sens du poil. Mis en place sous le motif populiste qu'il est anormal que seuls les riches peuvent se payer des heures de soutien scolaire (dixit notre ministre), ces stages dont certains ne seront pas animés par des enseignants, ne règleront en rien l'échec scolaire. Ils sont destinés à appâter les enseignants qui souhaitent effectuer des heures supplémentaires avec bonne conscience, alors que dans le même temps des milliers de postes sont supprimés, aggravant ainsi les conditions de travail dans les écoles. Parce que nous respectons profondément les élèves qui ont des difficultés et leurs parents et que nous sommes persuadés que ce dispositif est néfaste, nous continuerons à refuser de transmettre des listes d'élèves pour les stages de remise à niveau.

3 - La loi sur le service minimum d'accueil dans les écoles les jours de grève n'est pas autre chose qu'une loi de remise en question des modalités d'application du droit de grève. Il est demandé aux enseignants de se déclarer gréviste 48h avant la grève afin que ce service minimum d'accueil puisse se mettre en place. Ce qui signifie clairement que les enseignants doivent collaborer à la remise en cause du droit de grève ! On ne saurait être plus cynique ! En conscience, nous nous déclarerons toujours en « intention de faire la grève » à l'administration quelle que soit notre décision finale, et nous en informerons les parents.

4 - Dans les collèges, les DHG sont de plus en plus réduites, à tel point qu'elles impliquent des gestions anti pédagogiques : effectifs proches de 30, y compris en ZEP ; regroupement de niveaux différents en langues vivantes, afin de « gagner » des heures ; suppression des groupes et dédoublements et, souvent, non application des horaires nationaux par discipline, pour justement pouvoir dédoubler les classes ! Parallèlement, les collègues voient leurs conditions de travail totalement dégradées : certains se retrouvent affectés sur deux, voire trois établissements ; d'autres, dont le poste est supprimé, sont mutés très loin de chez eux ! Et à côté des suppressions de postes, le ministère prévoit que les enseignants « qui restent » assureront l'enseignement en effectuant des heures supplémentaires ! Il entend aussi faire du « travailler plus » la seule revalorisation possible. Nous ne serons pas complices de la destruction de l'emploi public, et c'est pour cette raison que nous refuserons les heures supplémentaires.

5 - Au collège comme au lycée, les missions sont dénaturées : on exige des enseignants des tâches qui incombent, normalement, aux Conseillers d'Orientation Psychologues (entretien individuel d'orientation en 3ème et en 1ère obligatoire, et à la charge du professeur principal). Non seulement ce travail n'est pas celui des enseignants (les COPsy sont des professionnels, formés pour l'orientation des élèves, et dont on supprime les postes. nous ne participerons pas à la destruction de ce corps professionnel en faisant - moins bien, évidemment !- le travail à leur place), mais en plus, les conditions d'orientation des élèves se déroulent de la façon la plus catastrophique qui soit : l'an passé, les profs de 3ème ont dû orienter leurs élèves vers des BEP ou des bacs Pro sans savoir ceux qui existeraient encore à la rentrée ; cette fois-ci, il leur faut orienter les élèves en lycée sans même savoir si les séries seront maintenues, si les options continueront d'exister ! Quel mépris pour les élèves, leur formation, leur avenir ! Parce que nous respectons nos élèves, leur avenir, ainsi que la professionnalité des COPsy, nous nous engageons à ne pas assurer les missions d'orientation pour nos élèves, et à soutenir nos collègues professeurs principaux qui s'engageront dans cette démarche.

Si aujourd'hui nous décidons d'entrer en résistance et même en désobéissance, c'est par nécessité. Pour faire ce métier, il est important de le faire avec conviction et motivation. Aujourd'hui, c'est parce que nous ne pourrons plus concilier liberté pédagogique, plaisir d'enseigner et esprit de responsabilité qu'il est de notre devoir de refuser d'appliquer ces mesures que nous dénonçons. Nous faisons ce choix en pleine connaissance des risques que nous prenons, mais surtout dans l'espérance que cette résistance portera ses fruits. Nous espérons que, collectivement, nous empêcherons la mise en ouvre de ces prétendues réformes. Cette action est une action constructive car dans le même temps il s'agit aussi de mettre en place des alternatives pédagogiques concrètes, raisonnables et efficaces.

Nous nous tenons prêts également à participer aux mouvements de protestation (grèves ou manifestations) visant à obtenir le retrait des mesures Darcos et des suppressions de postes programmées dans l'Education Nationale à la rentrée prochaine.

Monsieur l'Inspecteur, vous l'avez compris, cette lettre n'est pas dirigée contre vous, ni votre fonction, mais nous nous devons de vous l'adresser et de la faire connaitre. Le propre de l'esprit responsable est d'agir à visage découvert, sans faux-fuyant, en assumant les risques inhérents à cette action. C'est ce que nous faisons aujourd'hui.

Nous vous prions de recevoir, Monsieur l'Inspecteur, l'assurance de nos sentiments déterminés et respectueux.


LE HAVRE NORD :

Ecole Langevin :

1-Lise CRAMOYSAN

2-Anne TROLLARD

3-François CATHERINE

4-Jean-Loup EUDIER

5- Anne GUESDON

6- Christel DERRIEN

7- Florence DELAHAYE

133- Christelle BRAIDOTTI

 

Ecole A. Briand :

8-Claudine SANTUS

9-Nathalie LEVASSEUR

10-Nicole NICAISE

11-Audrey VAUTIER

 

Ecole Observatoire :

12-Dominique DELAHAYE

13-Karelle LECOURTOIS

14-Stéphane LECOINTRE

15-Yohann LECOURTOIS

16- Charlène SAILLARD

17- Sylvie DANIEL


Ecole Massillon :

18-Lionel JALLET

19- Nadège LAVILLE


Ecoles Kergomard:

20-Karima DAIMA

21-Stéphanie MICHEL

22- Hélène LOUP

23- Stéphanie FALLON

24- Joanne RIBET

25- Marc ALLAIS

26- Bruno LAPIED

27- Sophie HOLDER

28- Isabelle DUPLANT

29- Priscilla COMA

30- Corrine REX

 

Ecole J. Guesde :

31- Claire MULE

32-Dorothée MULET

33-Marie HANON

34-Margot FOUCAULT

35-Christelle COLLEMARE

36-Elise TIPHAIGNE

37-Carole MONNIER

38-Alice FAVIER

39-Magali GRIFFE

40-Eva ECK

41-Emilie POULINGUE

42-Claude NICOLAS

43-Solena GALERNE

44-Amélie MEYER

45- Dominique SEY

Ecole F. Carco :
46- Anne BERTHOUD
47- Michelle GUITON
48- Céline TAVERNE
49- Lauriane TAUVEL
50- Anne-Laure SIMENEL
51- Nadine BENARD
52- Jessica SALION
53- Patrick LAURENT
54- Didier VAUDRY
55- Armelle POISSON
Ecole Utrillo :
56- Isabelle GUILLOU
57- Laurence PITAVY

Ecole Raspail :
58- Damien COUVAL

MONTIVILLIERS :

Ecole L. Michel Montivilliers:

59- Patrick GUARD

60- Chantal GARNIER

61- Aurélie BERTHOULE

62- Pauline PAYOT

63- Hélène ROLAND

64- Agnès BOUDJEMA

 

Collège Belle Etoile :

65- Vanessa MARCADE

 

Saint Aubin Routot :

66- Christelle MAILLARD

67- Géraldine RADENEZ

68- Vincent LAMY

69- Sandrine SOMMER HOUDEVILLE

70- Laurence MARTIN

 

Rogerville :

74- Fabrice MARTIN

75- Violaine HERICHER

76- Laurent SAVALLE

77- Karine SOUDAIS

 

LILLEBONNE :

Ecole… Bolbec :

78- Eric DESMONS

 

LE HAVRE OUEST

Ecole Stendhal :

79- Benoît CRAMOYSAN

 

Ecole P. Eluard :

80-Marie-Laure CIPRES

81- Chantal POUSSARD

82- Annick BIHEUX

83- Armelle FAUCHIER

84- Julie DUSSAUX

85- Catherine DELAUNAY


Ecole T. Gautier :

86-Noëlla TALBOURDET


Ecole V. Hugo :

87-Yves COLETTE

88-Sylvie BAIET

89-Cécilia FRANSISCO-LAMBERT

90-Géraldine FIQUET

91- Jocelyne SCICLUNA

92- Vanessa GUIHARD

93- Caroline HAPPEDAY


Ecole Saint- Just :

94- Laurence EL BAHRI

95- Amandine MALGORSEWIEZ

96-Christelle TALBOT

 

Ecole Jean Macé :

97- Alain PASQUIER

Ecole A. Lagarde- Sainte Adresse :

98-CatherineLEPELLEC

 

LE HAVRE EST :

Ecole P. Bert:

99- Catherine DUPLANT

 

RASED Vaillant :

100-Marie-Hélène ALLIARD

101- Evelyne DESCHAMPS

 

Ecole les Dalhias :

102- Chantal LANGLOIS

103- Véronique GARRIGOU

 

RASED Robespierre :

104- Yves GELIN

105- Amui DESCHAMPS


Ecole Vaillant:

106- Jennyfer M'BAYE

107- Amélie PESSEL

108- Angelina MARIE

109- Charline SAILLARD

110- Sandrine RENEAUX

111- Stéphanie RIO

112- Fanny LE VILLAIN

113- Cécile JOLY

114- Emilie GALLAIS

115- Fanny GIRARD

116- Yann LALIOUSE

117- Marie HAREL

LE HAVRE SUD :

RASED Gonfreville :

118- Anne DUTILLOY

 

Collège Marcel Pagnol :

119- Claire CHABANNES

120- Christelle GUEMENE

Collège Léo Lagrange :

121- Véronique PONVERT

 
Lycée Siegfried ? :
122- Sylvain MERCIER

 EREA Maurice Genevoix :
123- Roselyne MABILLE


Collège Joliot Curie :

124- Alain PONVERT

 125-Bruno VALLIN

126- Sophie JOLIVET LE PIVERT

127- Sébastien MORENO
128- Claire MORVAN

129- François BERTAUD

130- Sophie BRISSET

131- Cora LEGOUBE

132- Margot VATTIER



15/12/2008
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