Lettre d'un instituteur de Chazay d'Azergues (69) au Ministre de l'Education Nationale


André ABEILLON, Instituteur                            Chazay , le  25 novembre 2008

8 rue Jean de la Fontaine

69380 CHAZAY D'AZERGUES

                                             à                

                                                       Monsieur le Ministre de l'Education Nationale
s/c. de Monsieur l'Inspecteur d'Académie du Rhône


s/c. de Madame l'IEN Anse-Chazay


Objet : En conscience, je refuse d'obéir !


Monsieur le Ministre,


Je vous écris cette lettre car aujourd'hui en conscience, comme je l'ai fait dans d'autres occasions, je ne puis plus attendre sans réagir ! Toujours en conscience, je refuse d'obéir ! Le démantèlement de l'Education Nationale que vous avez entrepris est un processus que je ne peux accepter sans vous interpeller. Je suis désespéré de voir comment le gouvernement auquel vous appartenez s'acharne sur notre profession.


L'objet de ma lettre est de vous informer que je ne participerai pas à ce démantèlement. Je refuse de me prêter par ma collaboration active (dans ce cas il s'agit bien de cela) ou mon silence complice à la déconstruction du système éducatif de notre pays. Le but sous jacent est bien sûr la dénationalisation de l'Education Nationale. Pour moi, l'école n'est pas une marchandise et elle est au service de tous !


C'est pourquoi j'ai décidé, en toute responsabilité, de :


- ne plus assurer les heures « d'aide personnalisée » si vous ne revenez pas sur la disparition des RASED, car par mon action je favoriserai inévitablement cette disparition.


 Quant aux 60 heures auxquelles cette disposition correspond, je vous signale qu'enseignant en CP, l'an dernier j'ai reçu les parents d'élèves de ma classe durant 35 h (heures comptabilisées).


Bien que la mesure soit intéressante, à condition de la placer à d'autres moments dans la semaine pour éviter d'alourdir la journée des enfants déjà en difficulté, elle ne doit pas concerner les élèves que nos collègues des RASED ont en charge. D'ailleurs nos collègues sont formées pour cela et leur travail est efficace dans notre école puisque pour certains enfants l'aide est suspendue dans l'année.


A propos d'heures de travail, depuis toujours les instituteurs ont fait fonctionner l'école grâce à leurs engagements en temps auprès des enfants. A tord, vous me l'inspirez aujourd'hui, nous avons « travaillé plus et donc avons gagné moins ». Nous n'en avions cure mais maintenant tout cela nous retombe dessus puisque pour nous charger vous prévoyez des dispositifs supplémentaires. A quand la formation des élèves maîtres dans les classes ? J'affirme que l'Education Nationale n'a jamais eu les moyens de nous payer en proportion des heures que nous avons effectuées.


Je me suis investi durant de nombreuses années dans les écoles où j'ai été en fonction, en ce qui concerne les BCD et les réseaux informatiques. Sans nos engagements en heures,  tout cela n'aurait pas pu exister. Cependant il est nécessaire de créer des postes supplémentaires et non d'en détruire comme vous le faites pour assurer ces dispositifs. D'ailleurs, vous reconnaissez vous même le bien fondé de nos demandes lorsque sont nommées des EVS qui aident les Directeurs ou des AVS. Je ne peux me résoudre à côtoyer ces personnes qui sont nommées sur des emplois précaires sans formation, alors qu'elles assurent un vrai emploi au service des enfants et des écoles. 

 

- continuer à ne pas assurer la journée dite de solidarité car malgré mes demandes réitérées vous n'avez jamais répondu à la question de fond suivante :

Quand l'Etat français a-t-il payé à la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie le montant d'un travail supplémentaire qui ne lui rapporte rien dans la mesure où nous appartenons à un secteur dit « non productif » ?

La seule réponse de vos services fut le retrait de salaire. Croyez bien que je ne pourrai admettre celui-ci que dans la mesure où j'aurai eu réponse à ma question et que je n'ai pas obtempéré.

Ces quelques exemples prouvent le mépris que vous avez pour les instituteurs comme toutes vos paroles « blessantes » pour l'école maternelle et nos collègues. Je ne veux pas travailler dans un contexte aussi délétère. J'en veux pour preuve l'appel d'offre que votre Ministère a lancé pour surveiller les enseignants sur Internet.


- ne plus me déclarer gréviste à l'administration mais continuerai bien sûr comme je l'ai toujours fait d'avertir les parents suffisamment à l'avance de mon intention de faire grève. Je considère la loi sur le service minimum d'accueil dans les écoles les jours de grève comme une loi de remise en question des modalités d'application de ce droit.


 A ce sujet vos paroles que j'ai entendues sur France Inter ces derniers jours sont empreintes d'un dédain qui me choque. Ce n'est pas en nous stigmatisant que vous nous encouragerez à travailler sereinement et que vous aurez notre assentiment.


Je fais ce choix, que je rendrai public, comme d'autres collègues, en pleine connaissance des risques que je prends, mais surtout dans l'espérance de construire une école du respect, de la coopération, de la solidarité et de la réussite pour tous.

 

Je vous prie de recevoir, Monsieur le Ministre, l'assurance de mes sentiments déterminés et à mon attachement à un service public de qualité.


André ABEILLON

Instituteur



27/11/2008
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