"En toute honnêteté, je refuse...", Lettre d'un instituteur de Paulhan (34) à son inspecteur

Philippe Cherpentier

adjoint classe élémentaire

CE2-CM1

école G. Brassens, 34230 Paulhan

co-secrétaire départemental de SUD Education.

 

Paulhan, le 17 novembre 2008

 

A M. L'Inspecteur de l'Éducation Nationale

circonscription de Lodève

 

 

Monsieur l'Inspecteur,

 

Je vous écris aujourd'hui pour vous faire part de mes réflexions et de mes décisions, qui m'amènent à entrer en résistance  contre les multiples réformes néfastes que nous subissons aujourd'hui dans les écoles.

 

Depuis septembre est mise en place « l'aide personnalisée » qui se déroule à raison d'une demi-heure le matin sur mon école. La mise en place de ce dispositif  sert de prétexte à la suppression des RASED.

 

Je suis extrêmement mal à l'aise pour expliquer aux parents de mes élèves que les faire lever tôt le matin avec quelques-uns de leurs camarades, pour travailler sur quelques « points non acquis » est une bonne chose pour leur enfant. De même comment l'expliquer aux élèves,  quand on sait pertinemment que mettre en place ce dispositif revient à accepter la disparition des RASED, alors qu'un grand nombre des élèves qui se trouvent dans ma classe bénéficient ou ont bénéficié des services indispensables rendus par mes collègues du RASED. Ces collègues ont reçu une formation importante pour travailler avec les enfants, mais aussi avec les parents. Ils font un travail spécifique que je ne peux prétendre remplacer en prenant « des petits groupes » tous les matins.

 

En toute honnêteté, je refuse de travailler cette façon. Aussi, j'ai décidé que dès la prochaine période, à la rentrée des vacances de Noël, après en avoir parlé aux parents, je prendrai ma classe entière, en deux groupes, pour travailler sur un projet (théâtre, journal, site internet de la classe...) que nous déciderons d'ici là avec l'ensemble de mes élèves.

 

Depuis l'an dernier, sont proposés des stages « de remise à niveau » pour les élèves de CM. Ces stages se déroulent dans un cadre de l'école pour des enfants « en difficulté ». Ils sont assurés, pour la plupart, par des enseignants payés en heures supplémentaires défiscalisées. Deux choses :

 

- Cette défiscalisation participe au démantèlement des droits sociaux (en particulier sécurité sociale). Quel rapport avec mon métier ? Beaucoup de mes élèves qui connaissent des difficultés d'ordre scolaire sont aussi issus de familles qui sont en difficultés sociales. Accepter un tel dispositif revient à mettre ces familles encore plus en difficulté, avec, par exemple le non remboursement de leurs dépenses médicales !

 

- sur le plan strictement pédagogique, je suis convaincu que le cadre proposé n'est pas adapté pour aider et surtout valoriser mes élèves. Au contraire, ces dispositifs participent à leur stigmatisation. Leur ressentiment compréhensible sera plutôt d'être privé d'une partie de leurs vacances car ils « ne sont pas bons ».

 

En toute honnêteté, je refuse de travailler de cette façon. Je ne me porte évidemment pas volontaire pour ces stages, mais je ne fournirai plus désormais les noms d'élèves susceptibles de subir ces stages de remise à niveau. Je préfère travailler (bénévolement) en lien avec les structures associées à l'école, comme la bibliothèque municipale, qui met en place gratuitement, pendant les vacances, des projets autrement plus bénéfiques aux apprentissages, et qui valorisent les enfants.

 

Enfin, depuis la rentrée, le « service minimum d'accueil » est appliqué. C'est un dispositif de limitation inacceptable du droit de grève des salariés, et ça le sera encore plus lorsque les décrets d'application concernant le dépôt des préavis de grève seront parus. D'autre part les élus de ma commune ont délibéré démocratiquement en Conseil Municipal, et refusent la mise en place de ce dispositif. La commune est pour cela, comme 22 autres communes dans le département, assignée devant le Tribunal Administratif par M. le Préfet.

 

En toute honnêteté, je refuse de participer aux attaques contre le droit de grève. Aussi, en réponse à l'appel de mon organisation syndicale, et par solidarité avec les élus de ma commune, je n'envoie pas de déclaration « d'intention » lors des mouvements de grève. Je continue bien évidemment à prévenir le plus tôt possible les parents de mes participations aux journées de grève.

 

Je suis conscient des conséquences possibles pour moi de cet acte de désobéissance que je rendrai publique.

 

Je vous prie de croire, Monsieur l'Inspecteur, en ma détermination et à mon attachement à un service public d 'éducation qui participe à l'émancipation des élèves et qui respecte ses personnels.

 

 Philippe Cherpentier


Une lettre type modulable à envoyer à son inspecteur est proposée en page d'accueil du site pour celles et ceux qui veulent participer à ce mouvement.


         Voir également d'autres Lettres de profs "Je refuse d'obéir" sur le blog.

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16/11/2008
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